Au fil des mots et des semaines, des chapitres ont été écrits et un premier roman clôturera l’année scolaire de certains élèves de quatrième.
Nous allons vous les présenter sous forme de feuilletons dans le Loti News, chapitre après chapitre, comme le faisaient les écrivains du XIXème siècle.
Nouvellement installés à Istanbul, les héros de ces romans vont nous livrer leur découverte de la ville et nous faire partager leurs aventures. Suivez-les et appréciez le travail et l’imagination de nos talentueux élèves, camarades et amis.
Mme Atay

CHAPITRE 1
« Golgolgolgol ! » s’écria le commentateur. C’était mon premier but de la saison après 17 matchs en tant que capitaine défenseur central. C’était le 12 septembre au stade du lycée Ganvion à Paris.
« Paul… Boutaul !!! » cria le commentateur. Toute mon équipe se jeta sur moi, je n’arrivai plus à respirer mais l’émotion de marquer mon premier but l’emportait largement. L’arbitre siffla la fin du match, et nous célébrâmes la victoire pendant plus d’une heure dans les vestiaires. Je rentrai au 33 rue des abbesses, dans le 18e arrondissement vers onze heures du soir. J’eus à peine le temps de franchir la porte que ma mère s’écria :
« Tu rentres à onze heures du soir sans me donner de nouvelles et tu crois vraiment que tu vas t’en sortir si facilement ?!
– Maman ! J’ai plus six ans, j’en ai quatorze ! lui répondis-je.
– Bon… je ferme les yeux pour cette fois car j’ai quelque chose de plus important à t’annoncer… »
Et elle m’expliqua que nous allions déménager dans un autre pays, en Turquie, à Istanbul ! Au milieu de l’année ! j’allais perdre mes amis, mon équipe de foot. Alors que je me faisais une vraie réputation dans l’équipe. Et puis… c’est où Istanbul ?! J’étais totalement contre l‘idée de déménager dans un endroit dont je n’avais jamais entendu parler avant et où j’aurais sûrement du mal à m’intégrer. Ma mère essaya de me faire changer d’avis :
« Tu sais, là-bas, il y a plein de belles choses à voir et je suis sûre que tu te referas une bande d’amis comme ici. Et tu pourras rester en contact avec tes copains parisiens. »
Au bout de quinze minutes, elle abandonna les négociations et s’exclama : « De toutes façons, tu n’as pas le choix, on part demain à sept heures donc prépare-toi ! »
Alors je me préparai sinon « j’allais m’en prendre une. »
Le lendemain, à cinq heures du matin, nous partîmes pour l’aéroport. Dans le taxi, ma mère m’expliqua la raison de notre départ en Turquie : l’homme avec qui elle était en couple depuis maintenant un an, lui avait proposé de venir vivre avec lui à Istanbul. Et ma mère avait accepté, avait trouvé un emploi, et m’avait donc inscrit à Pierre Loti, le lycée français d’Istanbul. Nous allions vivre à Tarabya à cause de la proximité de ce quartier avec mon collège.
Nous arrivâmes à l’aéroport et après avoir passé toutes les sécurités, nous embarquâmes direction Istanbul. Après quatre heures de vol avec une nouvelle compagnie aérienne nommée Turkish Airlines, nous arrivâmes finalement à notre destination à onze heures.
Quand je sortis de l’avion, je fus tellement impressionné par la grandeur de l’aéroport et par sa foule que le vertige et le tournis s’emparèrent de moi. Plus j’avançais dans l’aéroport, plus je me sentais petit et inutile dans ce vaste nouveau monde. Les hommes que je croisais étaient pour la plupart des barbus un peu enveloppés. Et certaines femmes étaient, quant à elles, entièrement vêtues de noir et, seuls apparaissaient des paires d’yeux d’un vert profond. Les gens ne prêtaient aucune attention à ma présence, ils m’ignoraient. J’évitais à chaque fois de justesse les grosses épaules des messieurs effrayants aux yeux desquels je semblais être un fantôme. Quand nous parvînmes enfin à trouver la sortie, le taxi nous attendait et le chauffeur commença à nous parler dans une langue aux intonations étrangères qui était sûrement le turc. Après plusieurs tentatives dans différentes langues, un accord fut établi et nous entrâmes dans la voiture. Tous les taxis étaient d’un jaune identique et brillaient sous le soleil matinal.
Au bout de trente minutes, nous arrivâmes à Tarabya où habitait le compagnon de ma mère. Il se nommait Ahmet, je l’avais déjà rencontré à plusieurs reprises et je l’aimais bien. Nous descendîmes du taxi et le trajet nous coûta 100 TL, ce qui me parut vraiment donné quand ma mère m’informa du taux de change entre l‘euro et la livre turque. Elle le paya et nous finîmes à pied les quelques mètres qui nous séparaient de la résidence d’Ahmet. Sur le chemin, je vis une adorable maison pour chat en carton avec des coussins et de la nourriture. Le nombre de chats qui y vivaient était phénoménal : j’en comptai au moins huit dont deux chatons. Alors, j’appelai ma mère :
« Maman, Maman, regarde il y a plein de chats là !
– C’est normal, on est au pays des chats errants ici, me répondit -elle.
– Ah… d’accord. »
Nous entrâmes dans la résidence d’Ahmet, puis dans son appartement mais je ne pris même pas la peine de le saluer et j’allai m’effondrer de fatigue sur le canapé pour faire une sieste. J’étais sur le point de m’endormir, quand soudain un chant très bruyant me réveilla en sursaut. Les paroles étaient indistinctes et ne ressemblaient pas à la langue du chauffeur de taxi. Je regardai ma mère et Ahmet et je vis qu’ils ne semblaient pas être importunés par le bruit assourdissant. Peut-être qu’Ahmet était habitué et avait déjà prévenu ma mère à ce propos, mais cela m’intriguait donc je partis les questionner. On me répondit que ce « bruit » était l’appel à la prière de la religion musulmane, dominante dans ce pays. Et que ce chant était en arabe et appelait les croyants à se réunir dans des mosquées pour prier.
Étant donné qu’il était déjà onze heures et demi, nous partîmes prendre le métro à Haciosman pour aller à Şişhane où se trouvait la Galata Tower (la tour de Galata), un monument emblématique d’Istanbul. Quand j’arrivai devant, je fus assez déçu de seulement trouver une petite tourelle de pierre et je ne comprenais pas pourquoi tout le monde s’exaltait d’être pris en photo devant. Ma mère m’expliqua l’histoire de la tour ; en fait, cette tour d’observation avait été construite par les Génois en 1348, elle avait pour but de surveiller les flottes commerciales. Elle portait aussi le nom de Christea Turris (tour du christ). En 1453, le sultan Mehmet II fit du sommet de la tour un poste d’observation pour signaler les incendies. Donc, elle dut servir à sauver pas mal de vies. J’arrivais enfin à comprendre pourquoi elle était si célèbre.
Nous allâmes manger dans un restaurant nommé #SaltBae. Malgré la barrière des langues, je parvins à prendre ma commande moi-même et je découvris qu’ ils faisaient les meilleurs burgers que je n’avais jamais mangés. J’aurais voulu pouvoir y déjeuner tous les jours. Après un repas aussi copieux, nous partîmes nous balader dans les rues aux alentours du restaurant ; ma mère et Ahmet marchaient devant et ils semblaient connaître tout le monde dans le quartier. Moi, j’étais derrière et juste le temps de m’arrêter devant un magasin qui vendait de superbes Air Jordan, je les perdis de vue. Je n’avais plus la force de courir pour les rattraper et maintenant que j’étais perdu, je ressentis, comme jamais auparavant, que j’étais seul et pas à ma place, comme si ce n’était pas ma vie. J’étais sur le point de me laisser m’écrouler au sol, quand un jeune de mon âge vint et me dit : « Merhaba, yardıma ihtiyacınız var mı ?
– Je lui répondis désespéré : JE NE PARLE PAS TURC EN FAIT, NI ANGLAIS D’AILLEURS…
– Hey, tu parles français ?! T’es nouveau ? »
Je crois que ce furent les paroles qui me réconfortèrent le plus depuis mon arrivée à Istanbul ! Alors, je lui répondis : « Je me suis un peu perdu, je crois. C’est une grande ville et je suis littéralement arrivé ce matin.
– T’avais une tête de nouveau. Moi c’est Kaan, et je suis en 4ème à Pierre Loti ; et toi ?
– Je m’appelle Paul et je suis aussi en 4ème au collège de Tarabya. T’habites où ?
– Moi je suis à Tarabya et toi t’habites ici ?
– Je suis moi aussi à Tarabya !
Et je me souvins que j’étais perdu donc j’envoyai un texto à ma mère pour lui dire de me retrouver à Şişhane.
– Tu peux m’amener à la station de métro la plus proche s’il te plaît ?
– Ouais bien sûr. »
Et, en un petit trajet, nous devînmes inséparables, nous échangeâmes nos numéros et nous nous donnâmes rendez-vous le lendemain dans le collège, pour ma rentrée. Sur le chemin du retour en métro, je sentis que juste la présence de Kaan m’avait redonné espoir en cette expatriation.
A suivre…
Roman de Inès, Lola et Manon, 4B
Illustration de couverture de Manon et Inès 4B
Mise en page par Iris Brement, 3C