L’ordinateur et les échecs

Depuis l’introduction des ordinateurs dans le monde des échecs en 1951, dans son état primitif, les programmes informatiques pour les échecs ont rapidement évolué au point où aucun humain ne va jamais pouvoir gagner contre un ordinateur.

I- L’évolution des programmes au fil des années 1950 à 2000

Claude Shannon et Alan Turing étaient deux scientifiques et génies, qui travaillaient pour les alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Shannon est largement reconnu comme le père de la théorie moderne de l’information, tandis que Turing est le père de l’ordinateur moderne. Leurs contributions dans le domaine de l’informatique sont bien connues. Ce qui est peut-être moins connu, c’est que Shannon et Turing sont aussi les pères des moteurs informatiques d’échecs.

Alan Turing et le Pilot ACE (Automatic Computer Engine, d’un poids de 30 tonnes), prototype du premier ordinateur, en 1950. DR.

Shannon a publié en 1943 un article fondateur intitulé « Programming a Computer For Playing Chess«  (Programmer un ordinateur pour jouer aux échecs). Pendant qu’il publie l’algorithme pour la machine, Turing continue à travailler sur son propre programme Turbochamp pendant deux ans, de 1948 jusqu’en 1950. Et même si le programme a échoué sur le seul ordinateur disponible sur le marché de l’époque et n’est pas du tout de niveau comparable, ni aux joueurs ni aux programmes de nos jours, il reste un succès formidable pour un programme écrit à la main.

Avec l’amélioration du matériel et des algorithmes, les années 1960-1970 ont représenté un tournant avec des ordinateurs qui pouvaient enfin rivaliser avec les humains mais pas encore jouer au niveau des “maîtres”, tandis que les années 1980 ont ensuite tout changé.

Edward Fredkin, professeur d’informatique à l’Université Carnegie Mellon, a créé le prix Fredkin pour diverses réalisations dans les programmes d’échecs sur ordinateur (5.000 $ pour le premier moteur à atteindre le niveau Maître, 10.000 $ pour le premier moteur à atteindre le niveau Grand Maître, 100.000 $ pour le premier moteur à battre le champion du monde). 

En 1988, Deep Thought gagne le prix en tant que premier programme qui a pu atteindre le niveau grand maître. Il a ensuite affronté le champion du monde de l’époque Garry Kasparov qui a gagné, et, jusqu’en 1997, aucun autre programme n’a pu gagner contre lui.

Un ordinateur IBM similaire à Deep Blue lors de son match de 1997. DR.

En 1989, les chercheurs qui travaillaient sur Deep Thought ont été embauchés par IBM pour créer une version améliorée du moteur : Deep Blue. Et finalement en 1997, le programme gagne contre Garry Kasparov et son équipe remporte le prix Fredkin (Cf. Vidéo d’actualité de l’époque).

Ce jeu a symboliquement marqué la fin de la domination humaine sur les moteurs informatiques d’échecs.

II- Quel effet  les ordinateurs ont-ils eu sur le monde des échecs ?

Les opinions sur ce sujet varient énormément, puisque les conséquences positives et négatives sont très différentes selon les différentes personnes et niveaux. Et avec l’amélioration des technologies et la disponibilité du matériel, désormais tout le monde a un programme d’échec surhumain sous la main.

Photo de Radio Shack Chess Computer 2150L. Jeu d’échecs électronique des années 1990 avec écran LCD. DR.

A mon avis, la numérisation des échecs a absolument détruit la beauté du jeu à ses plus hauts niveaux. Et quand je parle de beauté, je parle de créativité. De nos jours, la plupart des jeux entre grands maîtres sont joués de mémoire pour au moins les vingt premiers coups, mais cette préparation n’est pas à critiquer, les maîtres se sont auparavant toujours préparés avant leurs matches, sauf qu’avec ces programmes, une grande majorité de ces stratégies ne leur appartiennent même pas et leurs adversaires ont probablement aussi mémorisé leur réponse.

D’autre part, à la fin de seulement les 5 premiers coups pour chacun des joueurs, on peut obtenir exactement 69,352,859,712,417 différents jeux, et au final, plus de jeux possibles que d’atomes qu’on connaît dans l’univers ! Donc il est improbable que les échecs perdent leur mystère -pas impossible, mais improbable- et on observe clairement que les stratégies, spécifiquement les ouvertures, ne font que s’améliorer depuis l’apparition des programmes informatiques puisque les ordinateurs peuvent trouver et voir des choses que même les plus grands des génies n’auraient pas pu repérer autrement. 

Ensuite, partons du principe qu’une majorité de la population mondiale possède un appareil qui permet d’accéder à internet, et donc dispose potentiellement d’un logiciel d’échecs. Ceci veut dire qu’un jeu qui était autrefois associé à la noblesse, est disponible de nos jours pour tout le monde. Chacun d’entre nous avons donc les mêmes opportunités et ressources que les plus grands maîtres de notre génération. 

Et peut-être que la beauté du jeu se cache plutôt dans les niveaux amateurs, dans sa communauté ? Peut-être pouvons nous déjà nous contenter d’admirer ceci en profitant de la concurrence équitable que nous permet internet ?

Article de Defne Aren, 4B
Illustration de couverture par Rüzgar Duyan, 5D

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