L’art militant : l’art engagé dans les luttes sociales

Au-delà de sa présence physique et de son aspect esthétique, l’art véhicule des façons d’interpréter le monde, des philosophies et des modes de pensées. Depuis de nombreuses années, l’art permet aussi d’exprimer une opposition aux inégalités sociales par divers moyens.
A travers les luttes d’artistes clés de l’art engagé, nous allons découvrir comment la vision de ces artistes a façonné l’art, et comment l’art continue à façonner notre interprétation des inégalités sociales. 

1. Qu’est-ce que l’art engagé ?

S’engager, c’est passer de spectateur.ice, à une personne qui agit

S’engager implique une prise de conscience suivie d’une action. Un.e artiste engagé.e est une personne qui prend conscience de sa place dans la société, et qui à travers son art partage des messages sur sa prise de position.

L’objectif de nombreux.ses artistes engagé.es est de toucher un grand public, afin de sensibiliser le plus de personnes possible, de partager leurs opinions ou leurs émotions avec le monde. Pour atteindre leurs objectifs, les artistes doivent avoir un message pertinent et disposer d’un lieu d’exposition accessible au public visé. L’industrie de l’art a souvent été un secteur réservé à un groupe de personnes très précis, les activités culturelles artistiques sont souvent payantes, et ne sont pas accessibles à tout le monde. Il est difficile pour les artistes de faire connaître leur art sans avoir de contacts dans l’industrie ou d’argent pour présenter leurs créations en galerie ou autres lieux d’exposition. C’est pour cela que de nombreux artistes engagés ont décidé de faire passer leurs messages en faisant de la rue leur lieu d’exposition, nous appelons cela Street Art qui veut dire en Français « Art de la rue ». 

Le Street Art a permis à de nombreux.ses artistes de militer en se confrontant directement à un grand nombre de personnes dans la rue. A travers des fresques, des tags, des installations ou des illustrations murales, les artistes représentent notre monde, avec ses inégalités, ses injustices et ses cruautés. Le Street Art est un des moyens d’expression les plus accessibles, bien qu’illégal. Il reste peu coûteux, car il nécessite peu de matériel, et son support étant des lieux publics est gratuit. Le Street Art permet à des personnes et des communautés qui ont normalement peu de visibilité de s’exprimer.

2. Banksy dans la critique du monde moderne

Devolved parliament, Bansky, 2009 / GattoCeliaco CC BY-SA 4.0

Un des artistes engagés les plus connus est le Street-artiste Banksy. Banksy est connu pour sa façon de faire passer des messages anarchistes, anticapitalistes et antimilitaristes en mêlant politique, humour et poésie. Une des raisons de son succès est sans doute, au-delà de son incroyable talent, son audace. Banksy semble n’avoir peur de rien, il peint partout, sur des façades, des panneaux publicitaires, dans des zoos, sur des billets, et même sur la barrière de séparation israélienne. L’artiste britannique, dont l’identité n’est toujours pas révélée, parvient à réduire des débats très compliqués à une simple image, et chacune de ses œuvres exprime une contestation et une prise de position, nous obligeant à nous remettre en question sur nos modes de vie et de pensées, et le monde dans lequel nous vivons.

Banksy, Marble Arch, London / Niv Singer – Unsplash

Banksy se sert souvent de paradoxes, de décalages qui semblent parfois presque ironiques, pour choquer. Des enfants armés, un adolescent rageur et masqué jetant un bouquet coloré, une ballerine portant un masque à gaz, un parlement constitué de singes…

Une des œuvres de Banksy, intitulée Crayon Machine Gun Boy. DR

Les images qu’il produit peuvent troubler et choquer, mais elles traduisent une contestation, une opposition et un désir de changement, elles ouvrent des débats et poussent à la réflexion. 

3. Keith Haring : Les couleurs contre l’oppression

« Je ne pense pas que l’art soit de la propagande ; ce devrait être quelque chose qui libère l’âme, stimule l’imagination et encourage les gens à aller plus loin. Il célèbre l’humanité au lieu de la manipuler. » Keith Haring

Keith Haring est un artiste militant, connu entre autres pour son engagement dans de nombreuses causes. En distribuant des tracts, en collant des affiches, en peignant des fresques et en faisant des dessins, Keith a milité contre le capitalisme, les inégalités sociales, l’homophobie et les effets négatifs de la religion. Il a aussi fait des œuvres d’art pour la prévention contre le Sida et la drogue.

Crack is Wack par Keith Haring / Matt Green CC BY-NC-SA 2.0

Ci-dessus, la fresque Crack is Wack réalisée par Keith Haring en 1986. Keith a réalisé cette fresque illégalement dans un terrain de handball pour faire de la prévention contre le Crack, la fresque a ensuite été conservée et restaurée. 

Ignorance = Fear Silence = Death, Keith Haring, 1989 / rocor CC BY-NC 2.0

Voyant que la ville de New York était gravement touchée par le Sida, et certains de ses collègues artistes mourir, Keith Haring a beaucoup milité pour faire de la prévention contre cette maladie dont il était lui-même atteint, et qui lui a coûté la vie. Nous pouvons voir sur cette œuvre d’art les écritures Ignorance=Fear Silence=Death qui veut dire en français « Ignorance=Peur Silence=Mort » et Fight Aids Act Up qui signifie « Lutte contre le sida ». Nous pouvons aussi voir sur le tableau le triangle rose qui était le symbole de la communauté gay pendant de nombreuses années avant d’être remplacé par le drapeau multicolore. Le triangle rose date de la seconde guerre mondiale où il était utilisé comme badge de la honte pour désigner les homosexuels par les nazis, il fut remplacé par le pride flag en français « drapeau de fierté » en 1978.

Keith Haring utilisa ce symbole dans son affiche contre le sida car cette maladie a grandement touché la communauté gay dont Keith Haring faisait partie. Il milita pendant toute sa carrière pour les droits de la communauté et resta même après sa mort une des plus grandes figures du militantisme homosexuel. 

Keith Haring peint aussi dans des hôpitaux publics pour venir en aide aux patients qui étaient très souvent dépourvus d’activités culturelles et de divertissement.

‘Radiant Baby’, Woodhull Medical & Mental Health Center, Brooklyn, NYC, Keith Haring, 1986 / © Joshua McHugh – Rizzoli

4. Kathleen Hanna : les « Riot grrrls contre le patriarcat »

Pour lutter contre l’oppression patriarcale, la musique a joué un très grand rôle dans la lutte féministe. Un des mouvements musicaux engagés les plus importants de l’histoire des luttes pour l’égalité des sexes est le mouvement Riot girl ou Riot grrrl qui fut actif au début des années 90. Il s’agit d’un mélange de punk et de rock alternatif aux paroles féministes. Kathleen Hanna, soliste et guitariste des groupes Bikini Kill et Le Tigre fut une des figures emblématiques du mouvement Riot girl

Kathleen Hanna / © Pat Graham

Le but du mouvement était en premier lieu de créer un espace dans lequel chanteuses et musiciennes pouvaient créer de la musique librement sur la scène punk, scène sur laquelle les femmes avaient du mal à trouver leur place normalement. Les paroles des chansons des Riot girls traitaient de sujets comme le patriarcat, les violences sexistes et homophobes ainsi que le racisme, d’une manière en général violente, choquante pour certain.e.s mais surtout révolutionnaire. Dans le documentaire The punk singer, Kathleen Hanna explique que ce mouvement a permis à de nombreuses femmes de partager leur vécu et de contribuer à la lutte féministe. Les Riot girls n’ont pas seulement chanté pour protester, elles ont aussi été à l’origine de nombreuses réunions, fait des manifestations et créé des journaux féministes pour communiquer leurs opinions.

Ce mouvement est la preuve que la musique est une arme de militantisme très efficace, elle permet de s’exprimer, de communiquer des idées et de se révolter, tout en réunissant un public, et en soudant des communautés. 

Pourquoi l’art engagé ?

Quand nous parlons de militantisme, les premiers exemples qui nous viennent à l’esprit sont souvent des discours et des manifestations dans la rue, mais pour se révolter contre l’injustice, ni les discours ni les manifestations ne suffisent. La manifestation la plus efficace est celle qui dure dans le temps, celle qui touche, et qui reste dans les esprits intemporellement, celle qui se partage et qui évolue, celle qui se transmet, celle qui fait bouger les choses. 

L’art est subjectif, à chaque nouvelle écoute et à chaque nouveau regard, naît  une nouvelle  interprétation de l’œuvre d’art. 

Militer à travers l’art permet de rendre nos combats intemporels. Chaque jour, chaque année, chaque siècle, ajoute à l’art militant une nouvelle dimension, une nouvelle interprétation et un nouveau sens.  

Grâce à sa subjectivité, l’art permet d’ouvrir de nouveaux débats, permet aux spectateurs de se poser des questions sur le monde qui les entoure, ce questionnement permet une sensibilisation et une prise de conscience.

L’art militant donne une voix aux personnes oppressées, permet de s’exprimer sans se servir de mots, ce qui le rend universel. Grâce aux artistes qui ouvrent les consciences chaque jour, nous marchons vers un meilleur futur, vers un futur où régnera l’égalité. 

Lucie Codron, 3D

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