Galia Tapiero, de l’organisation et des choix (3)

A l’occasion du 1er Festival du livre jeunesse d’Istanbul, nous avons rencontré et longuement discuté avec une autrice qui est également éditrice de la maison Kilowatt. Une interview qui va vous enchanter ! Troisième et dernière partie sur sa méthode de travail…

Pourquoi avez-vous choisi Kilowatts comme nom ?
C’est que j’avais très envie que ça puisse se prononcer dans plusieurs langues de la même manière. Il y a des maisons d’édition qui s’appellent La Tête Ailleurs, La Girafe à Poivre, ou je ne sais pas quoi. Mais moi, j’avais très envie de vendre mes livres à l’étranger. C’était très important pour moi. En Chine, en Italie, enfin, je voulais voyager, je voulais faire le tour du monde. Vous voyez, c’est un petit peu difficile. Donc, je trouvais que Kilowatts était compréhensible dans plusieurs langues, et en fait, tout le monde sait ce que c’est un kilowatt. J’ai l’impression que c’est un mot qui est assez… universel, mais vraiment international, ça, c’est sûr.
Donc, ça me permettait d’avoir l’énergie pour la force, la vigueur, et puis d’avoir aussi quelque chose qui se prononce. Quand je rencontre des gens qui viennent d’un autre pays, ils savent prononcer kilowatts. Et on parle tous de la même chose. Et ça, ça me plaisait beaucoup. 

Quels sont vos rituels d’écriture ? Ecrivez-vous à la main ou sur ordinateur ? En intérieur sur votre bureau ? A des heures précises ? Régulièrement ?
Au départ, je pensais que je n’arriverais jamais à écrire sur un ordinateur. Je suis d’une génération où on n’a que écrit à la main, forcément. Puis après, il y a eu les ordinateurs, et je me disais non, non, non, j’y arrivais pas. Donc j’écrivais à la main au départ, puis je le tapais à l’ordinateur. Donc j’avais un double travail. Puis j’imprimais, je corrigeais à la main, et je remettais les corrections sur l’ordinateur. Quand on y pense, c’est sûr que c’était un peu compliqué et très long. Mais le cheminement de mon cerveau n’arrivait pas à faire autrement. 
Mais maintenant, ce n’est plus du tout le cas, parce que j’ai eu peu à peu l’habitude. Maintenant, je crois que je ne pourrais même plus écrire à la main. Ça n’irait pas assez vite, parce que je tape beaucoup plus vite à l’ordinateur qu’écrire à la main. Ça me semble beaucoup plus simple. C’est plus facile pour corriger, pour changer. On peut découper un paragraphe, on peut le mettre au-dessus, en dessous, le mettre dans une autre direction. C’est drôlement plus pratique de pouvoir écrire à l’ordinateur. Je ne sais pas comment j’ai pu un jour écrire à la main. 
Alors, mon bureau est dans le salon, c’est un peu tout la même pièce. Je me balade. Des fois, je suis assise à la table, mais des fois, je peux être assise sur le canapé comme vous, prendre mon ordinateur, ça me détend. En intérieur, pas en extérieur encore, parce que ça pourrait aussi m’arriver de travailler dans les cafés. Mais j’aime bien être à mon bureau.

À des heures précises ? 
Non, pas du tout. En fait, je pense que j’écris beaucoup dans ma tête, donc j’y pense. Je réfléchis au texte, je me promène. Dans ces cas-là, au début, avant de commencer à écrire, je marche. Je marche beaucoup dans la ville en pensant au texte, en écrivant presque dans ma tête aussi. 

Vous travaillez régulièrement avec des illustrateurs et des illustratrices. Comment vous organisez-vous ?Comment je m’organise ? En général, je reçois un texte. Je travaille sur ce texte. Il peut être bien construit, bien fait. Est-ce que c’est un documentaire ? Si c’est un documentaire, ça arrive même que je propose des sujets. En fait, ce n’est pas comme une histoire. Si c’est une histoire, on va me proposer une histoire en fonction des collections. Les auteurs savent quel genre de livre je fais. Donc, ils vont proposer des textes qui vont être en rapport avec ça. Je les regarde, je les lis avec eux, on les corrige. Parfois, je peux demander des modifications, des corrections, une fin, un allongement, un raccourcissement du texte. 
Une fois que le texte est fait, à ce moment-là seulement, je fais appel aux illustrateurs et aux illustratrices. Je leur demande, je découpe le texte. Il faut aussi le mettre en page. Ça aussi, c’est important, qu’il y ait un équilibre entre la quantité de mots, et l’idée de la page qu’ils vont illustrer. Après, on va travailler avec les illustrateurs. En général, en premier lieu, ils vont me donner des esquisses. C’est-à-dire juste au crayon, vite fait, comme ça, pour avoir une idée de comment, à quoi ça va ressembler. C’est ce qu’on va appeler des croquis. C’est ce qu’on va appeler aussi un chemin de fer. On va avoir toutes les pages du livre et on va savoir exactement ce qu’il y a. Là, ça va être la page de titre. Là, ça va être l’introduction, tel texte.
Et il va y avoir une intention d’ illustration qui va être une ouverture, ou plutôt du bleu, ou il faut laisser du blanc. Après, il va y avoir un sommaire. Le chemin de fer, c’est chaque page qui va présenter le livre avec un croquis, une esquisse et qui va nous donner l’intention de la page. Après, il va y avoir les dessins en noir et blanc. Et enfin, on va passer à la couleur. Voilà, c’est comme ça.

Vous arrive-t-il souvent de refuser d’éditer des livres ? Pour quelles raisons ?
Absolument. Pourquoi ? D’abord parce que les histoires ne me plaisent pas, parce que ce n’est pas le genre de livre que je publie, parce que le sujet ne me convient pas. Parfois, je tombe sur des textes qui sont très intéressants, très bien, mais qui ne sont pas non plus des thèmes qui me concernent.
On ne peut pas tout publier, ce serait quand même un petit peu compliqué car j’ai énormément de propositions. Je ne publie pas de théâtre, par exemple. Je ne publie pas de poésie. Donc, il y a plein de genres comme ça que je ne publie pas. Je ne publie pas de fantasy.

Parmi vos livres, quel est votre préféré ?
Alors, parmi les livres que j’ai écrits, je pense que ça reste le premier sur les drapeaux. Mais en fait, je ne savais pas que je devais avoir un entretien avec vous donc je n’ai pas apporté ces livres. Sinon, j’aurais pu même vous les montrer et vous expliquer pourquoi il est particulier.
Et parmi les livres que j’ai publiés, c’est celui qui s’appelle “ Écrire, quelle histoire ?” et c’est sur l’histoire de l’écriture. Il m’a beaucoup plu parce qu’il fait partie d’une petite série, le prochain va être sur les frontières. Ce sont des livres qui sont écrits à chaque fois par des spécialistes du sujet. Donc, j’ai voulu cette collection de livres, de grands et beaux livres avec un peu plus de textes, plutôt d’ailleurs pour des enfants de votre âge.
Moi, je fais très peu de livres pour les enfants de votre âge, mais plutôt pour les plus jeunes. Donc là, il y a plus de textes, plus d’illustrations, mais ce sont toujours des spécialistes. Ce ne sont pas juste des auteurs jeunesse, ce sont vraiment des spécialistes du sujet, des professeurs, des historiens qui ont écrit ces livres. Et ça me plaît beaucoup de travailler avec eux, c’est très intéressant.

Merci Galia Tapiero de ce moment partagé avec nous !

Interview, transcription de l’enregistrement audio et article par
Mahamat Mbodou Mai, Cinar Aydin, Evan Küçük et Elias Sassine


Petite biographie de Galia Tapiero :

Auteure jeunesse, Galia Tapiero a toujours eu une passion pour les dictionnaires, les encyclopédies, les documentaires, les objets qui racontent des histoires et les voyages qui font rêver. En 2009, elle se lance dans l’aventure et crée Kilowatt éditions avec Barroux. Ensemble, ils veulent faire de beaux livres qui ont du sens. Cliquez sur les couvertures pour avoir une idée de ses livres

Présentation de sa maison d’édition :

Maison d’édition fondée en 2009 en France, Kilowatt a pour motivation et ambition de faire de beaux livres qui ont du sens. Elle publie des documentaires et des albums destinés à la jeunesse. Des livres qui se prêtent, se partagent, s’échangent et se transportent en tout lieu et toute compagnie. Des mots et des images pour aimer lire, pour rêver et découvrir le monde qui nous entoure. Nous souhaitons proposer des textes et des illustrations dans une juste complémentarité. Aussi nous créons des albums, des documentaires innovants et exigeants,  des livres d’éveils et des livres de poche avec l’envie de partager le plaisir de vivre ensemble.

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