Galia Tapiero, autrice pour enfant (1)

A l’occasion du 1er Festival du livre jeunesse d’Istanbul, nous avons rencontré et longuement discuté avec une autrice qui est également éditrice de la maison Kilowatt. Une interview en 3 parties qui va vous enchanter ! Première partie sur Galia autrice…

Quel a été votre livre préféré en tant qu’enfant ?
Ça peut être un album ou un livre d’adolescent ou vraiment d’enfant, un petit album ? Je peux dire un album dont je me souviens de quand j’étais petite ? C’était… Théo la Terreur, je pense, et Fleurs de Lupin. Oui, un album qui s’appelait Fleurs de Lupin

Intéressant, ça parle de quoi ? 
Fleurs de Lupin, c’était comme une poupée qui s’envolait. J’en ai un très bon souvenir. Il y avait un monsieur-œuf aussi, enfin un homme imaginaire qui avait une forme d’œuf, avec des personnages assez étranges.
Théo la Terreur, c’était un petit garçon qui était un petit peu embêté et maltraité par ses trois très grandes sœurs qui n’arrêtaient pas de lui faire faire des choses. Je ne dirais pas qu’il était harcelé, mais on voyait bien que c’était lui le petit. Et un jour, un oncle est arrivé des États-Unis, et lui a offert une peau de bête, comme une peau de lion. Il faudrait que je vérifie parce que je ne l’ai quand même pas lu depuis plus de 50 ans. Elle lui a donné une force particulière qui était comme une force de lion . Ainsi, il pouvait enfin faire peur à ses sœurs et les maîtriser quand elles faisaient des bêtises et disaient : « Ah, mais Théo, ce n’est pas nous. Ah ben non, c’était de ta  faute ! ». Donc c’était lui qui se faisait engueuler, à chaque fois qu’il se passait un truc.

 Quel est le premier livre que vous avez écrit ? 
Le premier livre que j’ai écrit, c’est une petite encyclopédie pour les enfants de 9 ans, sur l’Afrique qui est parue chez Larousse. 

C’était dans un dictionnaire ?
Pas un dictionnaire, une encyclopédie. [Un dictionnaire donne la signification des mots. Une encyclopédie aborde plutôt des thématiques, développe des thématiques, des sujets sur les différentes manières qu’on a de pouvoir les traiter. Alors qu’un dictionnaire, c’est vraiment sur l’étymologie et la signification d’un mot en particulier]. 

A quel moment vous êtes-vous dit : “ça y est, je vais écrire des livres pour enfants” ?
En fait, je ne me suis jamais dit ça, je ne me suis jamais dit : « Ça y est, je vais écrire des livres pour enfants. » Ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Avant d’être éditrice, j’étais anthropologue. Je travaillais sur les comportements humains, les musées, certains pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Bénin, le Togo, et plus particulièrement sur le Vaudou.
C’est à ce moment-là qu’une amie m’a dit : « Écoute, ça serait bien, est-ce que tu ne voudrais pas écrire ? Tu t’es toujours intéressée à la littérature jeunesse. » Ce qui était quelque chose que j’aimais vraiment beaucoup. « Est-ce que tu ne veux pas écrire cette encyclopédie justement sur l’Afrique pour les 9 ans ?”
Après, je n’ai plus jamais écrit de livres. Ce n’était pas du tout mon domaine mais je voulais monter une maison d’édition. Quand cela est arrivé, la première collection que j’ai mise en place était une collection sur les objets, sur l’histoire et l’usage des objets. J’avais du mal à expliquer vraiment ce que je voulais, ce que j’avais en tête pour démarrer cette collection parce que je n’avais pas appris à être éditrice. Du coup, j’ai écrit les premiers livres. Presque par nécessité. A part deux ou trois fictions, je n’ai pas une volonté absolue d’être auteur.
D’une chose à une autre, ça m’a emmenée et aujourd’hui, il y a 10, 12 livres que j’ai écrits, mais ce n’était pas le but absolu. Pour moi, le plus important, c’est d’être éditrice.

Vous écrivez des livres de jeunesse. Demandez-vous l’avis d’enfants avant de publier ?
Alors, je ne demande pas. Je peux leur demander leur avis, si c’est un sujet qui les intéresse. Mais en fait, mes enfants n’ont pas du tout votre âge. Ce sont des adultes déjà. Et oui. L’aîné a 32 ans. J’écris des livres jeunesse, mais je ne leur demande pas leur avis parce que d’abord ce n’est pas forcément leur métier, mais vous pouviez imaginer que j’aurais pu demander leur avis parce que c’était des enfants, mais non, ce ne sont plus des enfants. Tous travaillent, ils sont adultes. J’en ai trois. Et voilà.

Pourquoi préférez-vous vous adresser aux enfants plutôt qu’aux adultes ?
Parce que je pense que vous êtes au début. Pour moi, vous êtes de futurs citoyens. Vous êtes les futurs habitants de la société dans laquelle on va vivre. Et je pense que c’est important de porter votre attention à l’enfance. Porter votre attention sur des sujets qui me tiennent très à cœur et que je trouve importants. 
L’autre chose, pourquoi des livres pour enfants ? Parce que j’adore l’image. J’ai un grand amour de l’image et de l’illustration. Et il y a peu d’images et d’illustrations dans les livres pour adultes. Ou alors, peut-être que j’aurais dû travailler dans la bande dessinée. Voilà. Mais c’est parce que ce travail de mots, trouver l’équilibre entre les mots et l’illustration, c’est pas facile.
Parfois, il arrive qu’il y ait un texte, ensuite il y a des illustrations, et quand on relit, quand on regarde les illustrations, ça peut arriver qu’on rechange un petit peu le texte. Parce qu’une illustration, il ne faut pas juste que ce soit la description ou le copier-coller, c’est aussi une interprétation. Il faut que ça donne plus de sens encore au texte. Donc ce n’est pas évident. Et c’est ça qui me passionne le plus, cet équilibre entre les mots et les images.

Pour vous, qu’est-ce qu’il faut pour qu’un livre plaise aux tout petits ?
Au tout petit, c’est quel âge ? 5-6 ans. Qu’est-ce qu’il faut ? C’est vraiment mon avis. Parce que si j’avais la recette magique, je ne ferais que des best-sellers. Ça serait fantastique.
Mais… Qu’est-ce qu’il faut pour qu’il plaise au tout petit ? Mais ça dépend. Si c’est des livres comme des albums, ou si c’est des documentaires.  Il faut qu’il y ait une belle harmonie entre les mots, entre l’histoire que ça raconte, et entre la manière dont c’est illustré.
C’était une question d’équilibre, qu’il n’y ait pas de faute dans le texte, en tout cas. Il faut des illustrations qui soient appropriées. C’est vraiment une question d’harmonie, d’équilibre entre les deux, images et mots. On peut illustrer… On peut prendre un mot, prendre une phrase, et illustrer de plein de manières différentes.
Et ça ne va pas donner la même interprétation. Vous voyez ? Donc… La manière dont on illustre, c’est aussi la manière dont on veut orienter le livre. C’est la couleur, le sens profond qui va lui être donné.

De quel sujet doit-on absolument parler aux plus jeunes selon vous ?
Pour moi, c’est la diversité, l’altérité, nous sommes tous différents. Et la tolérance, parce que tout se passe bien quand on vit ensemble.
Mais ça peut se faire à travers plein de sujets. On n’est pas obligés de parler directement de la diversité. Parfois, on parle de plein de choses. Quand on parle de manger, à travers le fait de manger, on parle aussi du fait qu’on est tous différents parce qu’on mange des choses différentes, de manières différentes, assis, debout; de la viande, pas de la viande, voilà.
Des choses comme ça. Donc, diversité, altérité sont pour moi les choses les plus importantes pour pouvoir aller vers la différence, pour se rendre compte que, ici et là-bas, les choses sont à la fois différentes et tellement semblables.

A suivre…

Interview, transcription de l’enregistrement audio et article par
Mahamat Mbodou Mai, Cinar Aydin, Evan Küçük et Elias Sassine


Petite biographie de Galia Tapiero :

Auteure jeunesse, Galia Tapiero a toujours eu une passion pour les dictionnaires, les encyclopédies, les documentaires, les objets qui racontent des histoires et les voyages qui font rêver. En 2009, elle se lance dans l’aventure et crée Kilowatt éditions avec Barroux. Ensemble, ils veulent faire de beaux livres qui ont du sens. Cliquez sur les couvertures pour avoir une idée de ses livres

Présentation de sa maison d’édition :

Maison d’édition fondée en 2009 en France, Kilowatt a pour motivation et ambition de faire de beaux livres qui ont du sens. Elle publie des documentaires et des albums destinés à la jeunesse. Des livres qui se prêtent, se partagent, s’échangent et se transportent en tout lieu et toute compagnie. Des mots et des images pour aimer lire, pour rêver et découvrir le monde qui nous entoure. Nous souhaitons proposer des textes et des illustrations dans une juste complémentarité. Aussi nous créons des albums, des documentaires innovants et exigeants,  des livres d’éveils et des livres de poche avec l’envie de partager le plaisir de vivre ensemble.

Laisser un commentaire