Nico Daswani, auteur : une rencontre passionnante ! (3)

A l’occasion du 1er Festival du livre jeunesse d’Istanbul, nous avons rencontré l’auteur de “Markine et la porte secrète” et avons longuement discuté avec lui. Une interview en 3 parties qui va vous enchanter ! Troisième et dernière partie sur les adaptations de livres au cinéma et les films en réalité virtuelle…

Est-ce que vous avez une idole d’enfance ? Un auteur que vous avez admiré, dont vous avez aimé les livres et qui vous a inspiré ?
Même jeune, je lisais des livres de Stephen King. Ça vous dit peut-être quelque chose ? C’est un Américain qui écrivait des livres un petit peu difficiles. Il est très connu dans le monde anglo-saxon. Enfin, ici, dans un milieu francophone aussi, j’imagine. Je le lisais déjà quand j’étais ado. Il a été une grande inspiration pour moi. Il a même écrit un super livre sur l’écriture, justement. Sur sa conception de l’écriture. J’ai beaucoup appris de lui en tant qu’écrivain mais en tant que jeune, il m’a beaucoup inspiré aussi. En plus de Roald Dahl qui était peut-être celui qui m’a le plus touché.

Est-ce grâce à lui, que vous êtes devenu écrivain ?
C’est une bonne question. Je ne sais pas. En fait, je ne pensais pas écrire de livre jusqu’à ce que ma famille m’encourage à le faire. Et en tout cas, être conteur me plaisait beaucoup. J’ai énormément raconté des histoires improvisées à mes filles pendant toutes ces années. Et comme je vous ai dit, mon père lui-même est un auteur, un écrivain. Donc ça m’a inspiré. Mais évidemment, en grandissant en France et en faisant un baccalauréat littéraire, j’ai lu énormément de littérature française, ce qui m’a beaucoup inspiré aussi. Donc, je pense que c’est un tout qui m’a donné confiance et l’envie de devenir auteur puisque j’ai grandi en France dans un milieu culturel où on a beaucoup d’estime pour la littérature.
Je n’ai pas encore essayé d’écrire de scénarios. Mais, Markine, évidemment, un jour, pourrait devenir un scénario, pourrait devenir un film, parce que c’est un roman d’aventures. Mais pas encore car cela demande d’autres compétences. C’est une autre façon de réfléchir, une autre façon de penser mais c’est possible de le faire. Souvent, les gens qui écrivent des scénarios ne sont pas les mêmes personnes qui écrivent les romans. C’est vraiment une autre manière d’imaginer. Quand on écrit un scénario, il faut vraiment avoir le film en tête, c’est guidé de manière très visuelle. Alors qu’évidemment, quand tu écris un roman, c’est visuel dans ta tête, tu imagines l’histoire. Mais tu sais que ça ne sera peut-être jamais un film. Pour l’écriture d’un scénario, la manière dont c’est écrit, la manière dont c’est agencé dans le temps, est faite pour une consommation visuelle et donc c’est une écriture différente. Donc, je serai forcé de développer de nouveaux outils, de nouvelles compétences ou alors ce sera peut-être mieux que quelqu’un d’autre prenne le livre et en fasse un scénario, je ne sais pas encore.

Est-ce que vous avez songé à quel genre d’acteur vous pourriez donner le rôle lorsque vous aurez fini votre traduction et que vous aurez le scénario ?  
Ce serait pour moi un rêve que Markine devienne un jour, un personnage qui soit vu à la télé ou au cinéma, ce serait super.

Dans les maisons de production, des personnes lisent des livres. C’est leur travail d’essayer de voir si un livre pourrait devenir un film ?
Oui, tous les livres ne peuvent pas devenir des films parce que, encore une fois, c’est quelque chose de différent. Quand ils arrivent à trouver du potentiel dans un livre, quelqu’un d’autre va écrire un scénario. Donc ils vont l’adapter pour la télévision.
Finalement, je pense que Markine et la Porte secrète dispose de pas mal d’éléments qui pourraient le rendre intéressant pour un scénario car c’est un  roman d’aventures. D’ailleurs, les Roald Dahl qu’on a vus, Charlie et la chocolaterie, Mathilda, tout ça sont devenus des films. Donc pourquoi pas et peut-être que je pourrais m’attarder à faire le scénario. C’est une super idée, merci.

Vos histoires ont-elles incité vos filles à lire quand elles ont eu l’âge ?
Alors mes filles, elles lisent presque trop, si on peut imaginer cela un jour. C’est un très bon problème de trop lire, mais il faut parfois arrêter de lire pour manger, sortir… Mes filles adorent lire, adorent, adorent, adorent lire. Elles ont toujours aimé lire. Et elles lisent aussi bien en anglais qu’en français. Elles ont lu les Harry Potter en anglais, en français. On n’a pas assez de livres à la maison, en fait. Amaya en particulier, qui est plus petite, qui est plus jeune, qui a 10 ans et  Eléa, la grande qui a 14 ans, lit encore, elle lit le soir avant de se coucher. Mais maintenant, elle a des copains, des copines, des sorties. C’est un peu différent comme vous pouvez l’imaginer.

Comme vous êtes dans le domaine du cinéma, avez-vous essayé d’écrire des scénarios ?
J’ai travaillé avec l’artiste pour les mettre en œuvre en tant que producteur délégué. C’est un petit peu, toute l’organisation et la coordination qui vont autour de l’œuvre, autour de la production de l’œuvre. C’était la première fois qu’il y avait une catégorie des Emmy Awards pour la réalité virtuelle. Avant il n’y en avait pas. 
Je devais être à New York pour recevoir Lynette, l’artiste, Lynette Woolworth. Je n’ai pas pu, j’ai eu un empêchement pour y aller, mais c’était au milieu de la nuit. J’ai essayé de résister au sommeil, parce que c’était à New York, j’ai essayé de rester éveillé mais je n’ai pas pu. Et quand je me suis réveillé le lendemain matin, Lynette m’a envoyé un message en me disant en anglais: “On a gagné, on a vraiment gagné !”. Je l’ai appelée tout de suite.

Qu’avez-vous senti en recevant les deux Emmy Awards ?
Non, je ne l’ai pas appelée tout de suite parce que c’était la nuit là-bas, mais c’était absolument incroyable. Et puis l’année suivante, on a produit un peu comme une suite. Ce sont des histoires de personnes indigènes, autochtones, dans différents pays, qui ont chacune leur particularité et qui ont chacune donné confiance à Lynette pour les aider à raconter leur histoire.
La première était en Australie. Ces personnes en Amazonie ont demandé à Lynette si elle pouvait les aider à créer cette histoire. Pour la deuxième, j’ai eu un rôle beaucoup plus passif, j’étais moins impliqué.Mais encore une fois, nous avons fait la première mondiale à un grand événement en Suisse et nous avons permis à ce que cette œuvre soit créée. La deuxième fois, on ne s’y attendait pas parce que nous étions en concurrence avec quatre autres personnes.

Là par contre, j’étais éveillé. Il était, je crois, deux ou trois heures du matin, mais j’étais éveillé. C’était pendant le Covid, donc il n’y avait pas de cérémonie en présentiel, c’était tout en ligne. Et effectivement, quand la dame a annoncé que notre film avait gagné, c’était incroyable, c’était une grande victoire. J’ai eu beaucoup de chance de participer à un projet comme celui-là, surtout que l’artiste qui a créé cette œuvre est une artiste absolument extraordinaire qui m’a beaucoup inspiré pour mon propre livre parce qu’elle a une manière de raconter des histoires très impressionnante et très, très belle.
Alors ces deux films-là, qui sont des films de réalité virtuelle, que j’ai produit, ce ne sont pas mes films dans le sens où ce n’est pas moi qui ai dirigé les films. Ce n’est pas moi qui ai écrit l’histoire, c’est moi qui ai fait la production déléguée. C’était, dans les deux cas, des histoires très différentes, et nous avons aidé à faire entrer les gens dans un monde de personnes indigènes, qui sont des minorités dans leur pays, et qui vivent des réalités très, très différentes de la majorité des autres personnes de leur pays. Et à travers cette immersion dans leur monde, c’était une histoire de leur propre développement, le cheminement d’une personne ou le cheminement de deux personnes très différentes à la fin.
Ils sont passés par tout un tas de choses où ils ont grandi, ils ont peut-être pris confiance en eux, ils ont peut-être traversé des idées, et en fait c’est souvent ça les histoires. Et ces histoires, ces films-là, ce sont aussi des processus qui nous permettent de comprendre un peu plus la réalité d’autres personnes, de comprendre qu’il y a une autre manière de voir le monde, et qu’une personne qui est en face de toi, qui te regarde, voit le monde peut-être complètement différemment parce qu’ils ont grandi de manière différente, peut-être parce qu’ils ont eu des opportunités ou ils n’ont pas eu d’opportunités que toi tu as eues, ils ont fait face à des choses que toi tu n’as pas connues et ça permet de créer plus d’empathie.
Vous connaissez le mot empathie ? De créer plus d’empathie pour essayer de savoir qu’on ne voit pas tous la chose de la même manière, on n’a pas toujours raison, notre manière de voir le monde n’est pas forcément celle que tous les autres voient. Et en ayant cette empathie là, on peut mieux écouter, on peut entendre la manière de penser même si on n’est pas d’accord avec les autres.
Donc ces films parlent de ces choses-là à travers des histoires de vie, des trajectoires de vie importantes.

Qu’est-ce que le métier de curateur ?
Un métier de curateur, c’est un métier dans les arts visuels, dans les films. C’est cette idée de prendre et de présenter à un public des œuvres sur des thèmes par exemple, ou de permettre à un public de découvrir l’œuvre d’un artiste ou d’une artiste à travers une expérience qui peut être immersive. Ça peut être une exposition, un festival où tu vas rencontrer des artistes de plusieurs mondes. Pour moi, un curateur au sens large, pas seulement dans le monde des arts visuels, c’est quelqu’un qui arrive à organiser des événements qui aident les gens à comprendre et imaginer de nouvelles choses parce qu’ils sont en contact avec tout un tas d’artistes, d’œuvres et de sujets.
Donc c’est une manière de prendre des choses qui existent déjà et de créer quelque chose de nouveau. Et parfois, pour faire ça, tu crées toi aussi quelque chose de nouveau à mettre dans un festival, à mettre dans une exposition. Le projet du curateur, c’est un petit peu enseigner quelque part, c’est aider les gens à faire un voyage en fait, à travers une thématique par exemple, à travers différentes œuvres.

Interview, transcription de l’enregistrement audio et article par
Quentin Senic, Fares klabi, Ela Karsli, Oscar Ducros et Antoine Guelorget


Petite biographie de Nico Daswani :

Issu d’une famille franco-britanno-indienne, Nico Daswani a grandi à Marseille et a vécu à Paris, Londres, Los Angeles et New York. En collaboration avec de grands artistes engagés et des institutions culturelles renommées, il conçoit et produit depuis 20 ans films, concerts, tournées, festivals, expositions, résidences artistiques  et forums, pour promouvoir l’égalité, l’inclusion et le respect de la planète.
De 2012 à 2021, il a été directeur des arts et de la culture du Forum Économique Mondial. Il est lauréat de deux Emmy Awards comme producteur délégué des films de réalité virtuelle Collisions et Awavena. Markine et la Porte Secrète est son premier roman. Il vit à Genève avec son épouse Devika et ses deux filles, Eléa et Amaya.

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