Nico Daswani, auteur : une rencontre passionnante ! (1)

A l’occasion du 1er Festival du livre jeunesse d’Istanbul, nous avons rencontré l’auteur de “Markine et la porte secrète” et avons longuement discuté avec lui. Une interview en 3 parties qui va vous enchanter ! Première partie sur l’écriture…

Bonjour M. Daswani ! Pouvez-vous nous parler de votre livre ?
Markine et la porte secrète est une aventure pour les 8 – 12 ans. Mais, il y a des enfants plus âgés qui lisent le livre aussi. C’est l’histoire d’une jeune fille qui s’appelle Markine et qui a une relation très, très spéciale avec un arbre. Un cèdre du Liban, un grand arbre majestueux dont une des branches touche la fenêtre de son appartement. Il se passe quelque chose, une chose magique avec cet arbre. Mais elle sait très bien que si elle en parlait à ses parents ou à ses copains et ses copines, personne ne la croirait. Donc elle est contente de garder le secret.
Toutefois, dans l’endroit où habite Markine, sévit une sécheresse très importante et la mairie a décidé de couper tous les arbres qui sont proches des habitations. Ils ont peur qu’avec la sécheresse, les arbres ne s’enflamment et que la ville entière ne s’embrase. Évidemment, Markine veut essayer de sauver cet arbre. Mais elle sait qu’elle ne peut pas raconter la vérité sur ce qui se passe entre elle et cet arbre parce qu’ils la prendront pour une folle ou diront qu’elle ment.
Ainsi, elle va passer par tout un tas d’aventures, les plus rocambolesques les unes que les autres pour, dans ce monde d’adultes qui, souvent, je ne sais pas si vous partagez ça avec moi, qui manque un peu d’imagination, pour essayer de sauver cet arbre de la mairie qui veut tous les couper.
Il s’agit donc de l’aventure de Markine et de sa quête pour sauver cet arbre. J’ai écrit ce livre en 2000, je l’ai publié en 2021, suite à 9 années d’histoires improvisées chaque soir, pour mes filles, qui ont donné vie à ce livre.

Combien de temps vous a pris l’écriture de ce livre ?
J’ai commencé à l’écrire en 2019, pendant l’été 2019. Et je l’ai publié en 2018, donc je pense que ça m’a pris à peu près 3 ans pour l’écrire. Étant donné que c’était un de mes premiers romans, j’avais beaucoup à apprendre sur la manière d’écrire un livre. Malgré le fait que j’avais passé beaucoup de temps à raconter ces histoires à mes filles, c’est différent quand on passe de l’oral à l’écrit . Mais aussi je travaillais à plein temps car j’ai aussi un métier à plein temps qui est relié au monde de la culture, mais qui n’est pas dans l’écriture ni dans l’édition. Donc il m’a fallu écrire ça, en essayant de trouver une ou deux heures le dimanche ou une ou deux heures le samedi.
Et donc j’ai construit le livre. Ça m’a pris pas mal de temps pour l’écrire. J’ai pu seulement bénéficier de deux ou trois semaines différentes où j’ai pu vraiment me focaliser sur le livre, au cours des trois dernières années. Mais voilà, globalement, ça m’a pris à peu près trois ans pour écrire le livre.

C’est le Covid qui en est la cause ? 
Il y a eu le Covid en 2020. Mais moi, j’avais commencé avant, durant l’été 2018.  Le Covid est arrivé en 2020, donc j’ai pu continuer pendant le Covid. Mais même pendant le Covid, je travaillais. Et donc il me fallait trouver le temps, en plus de mon travail, en plus de ma famille, parce que j’ai une famille avec deux enfants, d’essayer de trouver le temps de faire ça. Mais c’est vrai que j’ai aussi écrit pendant le Covid.

Êtes-vous en train d’écrire un livre en ce moment ?
Actuellement, je suis en train de traduire le livre en anglais. Parce que je parle aussi anglais. Et ça fait deux ans que je travaille sur la traduction, parce qu’en fait, la traduction d’un roman, c’est beaucoup plus dur que je ne pensais. Même si c’est mon propre roman, je pensais que ce serait assez rapide et assez facile. Ça ne l’est pas, parce que, comme vous le savez, quand on parle une langue, c’est les mots, la culture mais c’est aussi une manière de penser, et des manières de s’exprimer.
Donc, en anglais, quand je traduis des mots français, les mots peuvent être justes, mais ils ne donnent peut-être pas la même émotion ou le même sentiment que ce que j’essaye de communiquer, de véhiculer à travers ceux de ma langue maternelle. Donc je passe beaucoup de temps à travailler là-dessus. Une fois que j’aurai terminé la version anglaise, mon ambition est de passer à un deuxième roman, soit en français, soit en anglais. Mais pour l’instant, c’est mon premier. 

Est-ce que vous avez déjà pensé à avoir recours à un traducteur ?
Alors, j’y ai pensé, et c’est une très bonne question. J’ai pensé au début à faire ça et à envoyer le roman à un traducteur et ensuite faire les corrections moi-même. Et puis, j’ai décidé de faire l’inverse. J’ai une amie, d’ailleurs qui est turque, qui écrit en turc et qui écrit en anglais, et qui traduit ses propres livres elle-même. Et j’ai pensé vouloir faire ça. J’ai pensé vouloir essayer de donner cette âme à ce livre, aussi en anglais, qui est ma seconde langue maternelle. C’est aussi une langue dans laquelle je suis assez à l’aise. Et maintenant, une fois que j’aurai terminé la traduction, je vais l’envoyer à quelqu’un qui est plus fort que moi en anglais et qui pourra peaufiner le travail, non seulement corriger, mais peaufiner et m’aider à mettre le livre à un niveau acceptable. Parce que pour l’instant, ça reste quand même une ébauche assez approximative.

Qu’a pensé votre famille et en particulier vos filles de Markine et la porte secrète ?
Alors ça, c’est une question intéressante parce que, en fait, Markine, vient de neuf années d’histoires que j’ai racontées chaque soir à mes filles. Mais c’était les histoires de Marco qui était un garçon. Et pendant toutes ces années, j’improvisais les histoires. Parfois même, c’était les filles qui commençaient l’histoire, qui me donnaient comme le bâton, et c’est moi qui continuais. Et ça a été des moments d’improvisation presque chaque soir. C’est probablement la chose la plus créative que j’ai faite de ma vie, d’improviser chaque soir des histoires. Ça a duré au moins neuf ans. Elles m’ont donc donné beaucoup de retours, parce que chaque soir, j’avais un commentaire direct sur ce qui faisait rire, sur ce qui ne faisait pas rire, sur ce qui marchait, sur ce qui ne marchait pas, sans savoir qu’un jour, j’écrirais un roman.
Donc, elles ont grandi avec Marco et un jour, les filles m’ont dit, mais pourquoi est-ce que c’est toujours les garçons qui sont les héros des histoires ? Pourquoi ça ne peut pas être des filles ? Donc, Marco est devenu tout de suite Markine. En fait, rien d’autre n’a changé dans l’histoire, puisque évidemment, Markine faisait tout ce que Marco faisait. Elles la connaissaient donc très bien. Et ensuite, pendant l’écriture du livre, elles ont souvent lu les ébauches. Les ébauches, c’est avant de publier. C’est un peu ce qu’on écrit quand on est en train d’essayer de trouver l’histoire. Parfois, on coince. Parfois, il nous manque quelque chose. Et de temps en temps, c’est utile de faire lire le travail à quelqu’un. Mes filles ont lu, trop lu même, je crois qu’elles en ont probablement eu assez de lire plusieurs ébauches du livre. Mais elles en sont très fières parce que c’est un personnage qu’elles connaissent bien depuis plusieurs années. 

Quel a été votre livre jeunesse préféré ?  Peut-être en avez-vous écrit un après avoir lu celui d’un autre auteur ?
Oui, alors ça, c’est une excellente question. Je crois que le livre jeunesse qui m’a le plus marqué, c’était Charlie et la chocolaterie. Et d’ailleurs, je me suis inspiré de Roald Dahl, donc l’écrivain, par sa manière de travailler, sa manière de communiquer des messages importants à travers des histoires drôles et des histoires qui donnent envie de faire tourner la page. C’est mon but, comme chaque auteur, je pense, de donner envie au lecteur de passer à la page suivante parce qu’il se passe toujours quelque chose d’intéressant, et d’essayer de véhiculer en même temps des messages importants, des leçons de vie.

Est-ce la réalité qui vous inspire ou plutôt l’imaginaire ?
Wow, ça c’est une grande question, parce que c’est un petit peu aussi le thème de ce livre. C’est un petit peu cette idée qu’en grandissant, on perd notre capacité d’imagination parce qu’on est pris dans les responsabilités, dans les factures, dans la vie, en fait. Et plus on grandit, plus on a des responsabilités et on peut aussi gravir des échelons au niveau du travail, en perdant un petit peu cette joie intérieure, qui rend tout possible. 
Chez moi, le mot “impossible” est banni. On ne dit pas le mot “impossible” parce que je défends cette idée que tout est possible. Il y a des choses, même réelles aujourd’hui, qu’on n’aurait jamais pu imaginer il y a 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans. On parle de l’intelligence artificielle et si on avait parlé de ça il y a 20 ans, qu’un ordinateur pourrait nous faire un poème, on aurait dit que ça n’était pas possible. Il y a 100 ans, envoyer quelqu’un sur la Lune était inimaginable… Et en fait, on s’aperçoit que presque tout est possible.
Je me suis inspiré de la capacité d’imagination des enfants. C’est ça qui m’inspire. Et c’est pour essayer de garder cette valeur en moi que j’ai écrit ce livre, et que j’aime baigner un petit peu dans ce monde-là. Je m’inspire  de vous et de votre génération. Plus on vieillit, plus on s’en éloigne. Et pour moi, ça me permet d’être accroché un petit peu à ce que je pense être une autre réalité, plutôt que pas la réalité. C’est effectivement une des trames principales du roman. D’ailleurs, on parle de la réalité rêvée dans le livre de Mark Hill.

Est-ce que vous écoutez les audio books ou pas ? 
Les livres audio ? Non. Parce que ce n’est pas si bien dit. Oui, puis c’est moins captivant qu’un livre. 

Et vous aimez lire sur papier ? Vous lisez aussi sur Kindle ? 
Kindle, Internet, papier. Mais, je préfère sur papier. 

Mais vous avez des Kindle, des liseuses aussi quand même ? 
Oui, c’est très bien. Donc, vous, vous faites un peu les deux, quoi. Ou les trois, parce que certains d’entre vous écoutent les livres audio aussi. Alors, j’ai pensé aussi à faire un livre audio. C’est peut-être quelque chose que je ferai. On verra.

 Il y a aussi Audible avec Amazon, qui font des livres audio.
Exactement. D’ailleurs, c’est ça que je suis en train de regarder actuellement. Mais comme tu dis, ça fait une grande différence si la personne qui lit est énervante. On n’a pas envie de l’écouter, quoi. C’est assez simple. En plus, c’est dur d’écouter quand on fait autre chose. Sauf si tu conduis, mais tu es encore un peu jeune pour conduire. Il y a pas mal de personnes qui font ça, en tout cas les adultes, qui écoutent pendant leur trajet pour aller au travail s’ils ont 45 minutes. Je sais que ma mère fait ça quand elle conduit de longs trajets. Elle met ses audio books. Mais c’est vrai qu’on a l’habitude maintenant de faire plusieurs choses à la fois. Je ne sais pas si c’est une bonne chose, mais en tout cas, c’est ce qu’on fait.

A suivre…

Interview, transcription de l’enregistrement audio et article par
Quentin Senic, Fares klabi, Ela Karsli, Oscar Ducros et Antoine Guelorget


Petite biographie de Nico Daswani :

Issu d’une famille franco-britanno-indienne, Nico Daswani a grandi à Marseille et a vécu à Paris, Londres, Los Angeles et New York. En collaboration avec de grands artistes engagés et des institutions culturelles renommées, il conçoit et produit depuis 20 ans films, concerts, tournées, festivals, expositions, résidences artistiques  et forums, pour promouvoir l’égalité, l’inclusion et le respect de la planète.
De 2012 à 2021, il a été directeur des arts et de la culture du Forum Économique Mondial. Il est lauréat de deux Emmy Awards comme producteur délégué des films de réalité virtuelle Collisions et Awavena. Markine et la Porte Secrète est son premier roman. Il vit à Genève avec son épouse Devika et ses deux filles, Eléa et Amaya.

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