Le jury composé de 7 professeurs (Lettres et documentation) et élèves (membres de Loti News) s’est réuni mercredi 6 avril pour attribuer, pour sa deuxième édition, les trois prix de ce concours ouvert aux élèves de 4e et 3e. Nous les remercions chaleureusement pour le temps consacré à départager des nouvelles très originales.
Voici le palmarès 2022 du Concours Loti News d’écriture de nouvelles ! Cette année, les fait-divers ont inspirés les auteurs de productions de grande qualité !
— Grand prix du jury « Loti news » :
ekleipsis hliou, Amalia Gubara, 3C
— Prix « Écrivain confirmé » :
La révélation, Maria Cringasu, 3C
— Prix « Espoir 2022 » :
Le mystère du village Rochefour-chat, Delphine Boulanger, 4C
— Prix « Coup de cœur du jury » :
Ex-æquo
Par un paisible soir d’hiver, Defne Kazaz, 3B
Une soirée tragique, Reha Draman, 3C
Les lauréats sont récompensés par des exemplaires d’œuvres choisies à leur convenance.
Nous donnons rendez-vous aux écrivains en herbe en 2023 pour la 3e édition du Concours Loti News !
Mme Atay et M. Gérard
« Grand prix du jury Loti News »
ekleipsis hliou
Pendant des siècles, les mythes et les histoires se sont entrelacés pour créer des réponses aux questions posées par l’esprit humain. Nous avons créé une abondance d’histoires pour combler le vide d’inconnu qui terrifie la raison humaine. Nous avons remplacé nos sciences modernes par des scénarios imaginaires pour expliquer tout ce qui nous entoure, des incidents météorologiques ou simplement les saisons et une surabondance infinie d’autres choses.
Le 9 mars de l’année 2016, une éclipse solaire totale a été observée dans le sud de l’Asie, elle a duré 4 minutes mais ces 4 maigres minutes ont fait que des milliers de personnes ont tendu le cou juste pour apercevoir le phénomène, il a frappé dans le cœur de chacun de l’émerveillement et reste parmi leurs plus beaux souvenirs, un souvenir essentiel pour certains. A l’époque moderne, on peut expliquer ces éclipses en observant les mouvements des astres dans le ciel et leur point d’intersection, c’est l’astronomie. Mais il y a des années et des années, une explication différente a été proposée pour répondre à la soif du savoir qui fait partie de la nature humaine. Laissez-moi vous raconter l’histoire des deux astres énamourés l’un de l’autre.
Il est le Soleil. Il n’a jamais vu la nuit mais il entend son chant des oiseaux le matin. Il est vif, compatissant, délicat et aimable, voulant toujours protéger et aimer les autres, voulant toujours leur accorder le plus grand bonheur. Il est une âme brillante pleine de musique, d’art et de passion. Son esprit brille comme une grotte qui lance son rideau noir sombre pour démasquer un amas de lucioles, il est pur et porte toujours un sourire. Il chante et danse sans se soucier du monde, il est vivant, il est lumineux, il est chaleureux. Il gambade dans des champs remplis de mille couleurs resplendissantes, des aplats de vert éparpillés de coquelicots et de jacinthes, accompagnés de louveteaux et d’agneaux, qui vivent en harmonie ne se souciant pas des lois de la nature. Avec ses yeux doux, son teint coloré, ses mains de médecin et son attitude chaleureuse, tout autour de lui, les sourires s’épanouissent et grandissent, les têtes tournent pour l’observer.
Elle est la Lune. Elle n’a jamais profité de la chaleur du jour, mais ses amies, les chauves-souris, lui tiennent compagnie dans l’air frais de la nuit. Elle est une présence froide dans le ciel, celle qui s’occupe de chaque créature de la nuit. Elle éloigne les cauchemars de l’esprit des petits enfants et effraie les monstres sous leurs lits. Elle est un peu réservée, un peu rougissante mais néanmoins gracieuse et généreuse. Elle aime les brises fraîches et le café noir. La littérature est son refuge, elle bouquine à côté de la lumière du feu. Elle compose aussi, de la musique, les notes défilants de son cœur et de ses doigts. Elle s’inquiète pour ses créatures de la nuit. Elle protège les jeunes femmes qui rentrent chez elles après de longues soirées et veille sur les enfants qui jouent dans les rues. Elle seule voit ce que les autres ne peuvent pas, elle voit le bien dans les autres, elle en est témoin, voit les secrets que nous essayons de cacher de notre mieux, elle nous voit pleurer et gémir quand personne d’autre ne le fait. Elle est la seule et unique spectatrice du théâtre qui est notre vie quotidienne. Elle entend les murmures étouffés de deux amis dans la nuit, elle entend les hurlements du vent, elle entend les mots de réconfort et d’amour échangés entre deux amants. Elle est d’un grand réconfort pour les petites filles qui rêvent de voir le monde, les petites filles qui l’observent depuis la fenêtre de leurs voitures en se demandant comment elle les poursuit. Mais elle est aussi crainte par beaucoup car elle est inconnue, indépendante et glaciale. Elle veille sur tout le genre humain, silencieuse, réservée et obscure.
Mais c’est le Soleil qui brille plus que tout. Tous les êtres sont reconnaissants et se réjouissent chaque fois que le soleil brille. Il leur apporte joie et chaleur, il est la seule et unique source de leurs vies. Mais il est seul, tout seul dans le vaste ciel. Il regarde toute la foule qui danse dans son rayonnement et se demande s’il est simplement destiné à une vie solitaire. C’est le prix qu’il doit payer pour être le plus brillant, raisonne-t-elle. Alors que le Soleil se lasse et commence à disparaître, la Lune, elle, s’élève dans le ciel, flanquée de millions d’étoiles. Son rayonnement est d’une beauté triste, qui passe inaperçue pendant que les gens dorment. Les Etoiles la regardent avec tristesse, espérant qu’un jour elles pourraient se rapprocher suffisamment pour qu’elle ne se sente pas si vide, si seule. Mais elles ne peuvent pas. La Lune est intouchable, s’entourant d’une couverture de ténèbres à travers les nuits froides.
Le Soleil est une sorte de dieux. Sa lumière est si puissante qu’elle a en donne vie aux herbes et fait pousser des produits depuis le sol fertile. Tout le monde, chaque jour, sort du confort de leurs demeures pour venir l’adorer, le vénérer. La Lune, quant à elle, est vue comme une obscurité. Celle qui apporte une présence froide au monde. Tout le monde, chaque jour, se cache dans leurs maisons chaudes et lumineuses quand elle se lève, la laissant abandonnée. La Lune a soif d’être vue. Elle veut une bouffée d’air frais dans le ciel du jour chaud. Elle veut être aimée. Elle veut être reconnue pour toutes les années de service. Pourtant tout le monde admire le Soleil. Les hommes sentent la chaleur de sa lueur, ils se sentent vivants dans la lumière du jour. Mais le Soleil a un secret : il admire la Lune. Il reconnaît sa valeur et a pu découvrir sa vraie personne. Le Soleil, le grand, le chaud, le vénéré est tombé dans le piège ultime, le grand Soleil est tombé amoureux. Follement amoureux de la façon dont elle était timide et silencieuse mais aussi généreuse et tolérante avec elle-même et les autres. La Lune cache des parties d’elle-même et de son identité au monde qu’elle sait que le monde adopterait, que les hommes l’accueillerait avec bras ouverts et visages fascinés. Ils sont des âmes opposées, le Soleil et la Lune. Ce sont des amants qui se rencontrent rarement et se manquent toujours. Tout comme le ying et le yang, car aucun ne peut vivre sans l’autre. Ce sont des âmes jumelles, différentes de mille façons mais aussi similaires. Pourtant, ils ont tous deux attendu patiemment les rares jours où ils pourraient coexister paisiblement et avec bonheur.
Un beau jour, quand le Soleil glisse hors du ciel, il l’aperçoit. La Lune regarde vers le haut, un côté rare d’elle est exposé à la lumière, la face cachée de la lune n’est plus si sombre. Le Soleil a été frappé, frappé dans tous les sens du terme. Ses sens s’exacerbent, il ne peut voir qu’elle, elle brille, luit, scintille. Il la trouve parfaite à ses yeux, tellement parfaite. Il peut sentir l’air de la nuit, la brise, le vent froid qui lui pique les yeux et le nez, tout le rappel d’elle. Une lueur laiteuse entourée d’une pénombre infinie. Et bien que le Soleil puisse briller, il sait que la Lune, elle aussi, peut briller, et le murmure doux et fidèle de la Lune emporte sur le cri tumultueux et bruyant du Soleil, n’importe quel jour. Ainsi, alors que les étoiles errent dans la nuit, le soleil est tombé amoureux comme une boule de neige dévalant une montagne enneigée. Comme il souhaite la voir plus que les instants fugaces qu’il partage avec elle à l’aube et au crépuscule. Mais la Lune est intouchable. Incurable. In libérable. Tout comme le Ying et le Yang, indispensables dans la vie de l’autre mais destinés à ne jamais exister côte à côte, nul ne peut vivre et continuer à apporter ses aides à la population humaine pendant que l’autre partage le ciel azur. Ils sont liés pour la vie non seulement à cause de leur amour mais aussi car aucun ne peut vivre sans l’autre. Ce sont des âmes jumelles, différentes de mille façons mais aussi similaires.
– Va, lui murmure La Lune une de ces nuits quand elle est pleine et d’une luminosité exceptionnelle, sa voix aussi douce et douloureuse que la dernière lumière du matin, va et laisse-moi respirer, car toi et moi avons décidé des destins. Tu illumines le jour, et je jette une lueur dans la nuit. Nous ne serons jamais heureux ensemble, nous sommes trop différents. Notre connexion irait à l’encontre de ce que tout le monde croit, de tout ce qu’ils savent. N’ose pas abandonner ta bénédiction de la lumière pour mes ténèbres ».
Ce sont les derniers mots que la Lune était assez forte pour dire au Soleil
Pendant les mois chauds, en été, il resterait un peu plus longtemps au cas où elle changerait d’avis. C’est inutile. Le Soleil veut rendre son véritable amour heureux en son absence. Il veut montrer au monde ce qu’elle a à offrir. Il a réfléchi pendant des semaines à la manière de lui donner la bouffée d’air qu’elle veut. Il est tellement pris qu’il néglige ses devoirs laissant donc le monde dans une brume nuageuse. Enfin, il sait ce qu’il doit faire. Il a sacrifié sa lumière chaque nuit pour briller sur la Lune afin qu’elle puisse être vue dans toute sa beauté. Il a renoncé à quelque chose pour lequel il est admiré pour la laisser rayonner.
Maintenant, tous les quelques ans, le Soleil et la Lune, ardents, cesseront de résister à la tentation et se rencontreront enfin pour rallumer le feu de leur amour, même si ce n’est que pour 4 minuscules minutes. Ils tomberont dans le piège de la tentation en nous montrant que même le plus grand des êtres ne peut résister à la plus considérable puissance que nous connaissons, l’amour. C’est ce que nous appelons donc une éclipse.
Amalia Gubara, 3C
Prix « Écrivain confirmé »
La révélation
La lumière vive de la salle d’audience de New York envahit mes pupilles. J’étais confus et je voyais flou. Il restait encore quarante-cinq minutes avant le début du procès qui déciderait de mon sort. Je plaçai mes lunettes sur mon nez d’un geste mécanique, en espérant de mieux voir. J’étais anxieux, mes mains tremblaient et j’essayais de ranger les feuilles qui se trouvaient devant moi dans une pile ordonnée. Mon trouble obsessionnel-compulsif se manifestait le plus souvent dans des situations stressantes comme celle-ci. C’est pour cette raison que je devais tout mettre en ordre, pour pouvoir me concentrer.
Les juges étaient placés à une distance considérable de moi et à cause de mon hypermétropie, même avec mes lunettes, je distinguais à peine leurs visages. J’étais terriblement frustré de ne pas voir leurs expressions et leurs réactions à ma confession. J’essayai de contrôler ma voix pour donner l’impression d’être une personne sûre d’elle-même. Je relis, dans ma tête, la phrase d’ouverture : « Je suis Filippo B. et je plaide non coupable sur tous les chefs d’accusation. » C’était un début assez brutal et abrupt, mais je pense que cela montrait ma détermination.
Mon histoire était moins coutumière. Dans un monde dominé par le crime et les atrocités, mon cas « avait fait sensation ». J’étais devenu du jour au lendemain un Ted Bundy du monde littéraire. Mon nom suscitait frissons et panique parmi les créateurs de nouveaux mondes, nom que j’ai donné aux écrivains.
J’étais l’employé d’une grande maison d’édition américaine, la succursale de Londres, Simon & Schuster. Je suis actuellement détenu par les autorités américaines pour fraude électronique, usurpation d’identité et vol de plusieurs manuscrits de livres écrits par des écrivains contemporains. Je suis devenu célèbre, mais pas intentionnellement. Tout le monde essaie de comprendre la raison derrière mes actions. Les journalistes me surnommaient : « le forcené », « le magouilleur », « le collectionneur », « the Spine Collector» (littéralement, « le collectionneur de tranches » de livres).
Comment puis-je expliquer quels sont les ressorts derrière mes actions, alors que je ne peux pas donner aux juges une explication rationnelle mais une explication plus inhabituelle ?
Tout a commencé à cause de ma passion pour l’ésotérisme…
C’était en juin, proche du solstice d’été. Je travaillais à Londres depuis six ans. J’allais avoir deux semaines de congé. J’avais déjà décidé d’assister à l’un des événements les plus importants de l’année, à savoir la rencontre des néo-druides à Stonehenge. Cette rencontre avait toujours lieu pendant la période qui précédait le solstice d’été. J’étais fasciné par tous les rituels que cette petite communauté accomplissait autour de ce monument préhistorique. J’étais convaincu que cet espace où se trouvaient les mégalithes avait une vibration spirituelle particulière et j’avais raison. Ce qui suivit ce moment marqua mon destin.
J’étais resté à Trowbridge, Wiltshire. Le paysage était magnifique et les larges vallées verdoyantes faisaient le bonheur des citadins étouffés par les colosses de verre et d’acier. La route vers les mégalithes était une véritable thérapie auditive. Tout était calme, seuls les oiseaux et le bruissement discret de l’herbe se faisaient entendre. Je marchais lentement vers les rochers. J’arrivai plus tôt que les néo-druides. Je savais que c’était le moment où je pouvais être seul dans cet endroit magique. Je marchais, fasciné, à l’intérieur du cercle créé par ces colosses et l’air que j’inspirais me semblait si pur. J’avais un peu le vertige et pour ne pas perdre l’équilibre, je me collai contre une des pierres. Soudain, je ressentis, presque au niveau moléculaire que j’étais attiré par un autre espace. Cette sensation dura quelques secondes. J’ouvris les yeux et, étrangement, la lumière ne me dérangeait pas comme d’habitude. En effet, je me rendis compte que je n’avais jamais aussi bien vu, même si je ne portais pas mes lunettes. Je sentis des pas derrière moi et je me retournai. Devant moi se tenait un vieil homme vêtu d’un costume austère qui contrastait fortement avec la douceur de son visage ridé.
Choqué, je compris qu’entre nous existait une connexion télépathique qui nous permettait de communiquer : « Bienvenue Filippo dans le Monde Parfait ! » J’essayai d’ouvrir ma bouche pour articuler mais je me rendis compte que je ne pouvais pas. Je touchai mon visage et je constatai avec horreur que je n’avais pas de lèvres. Je regardai mon interlocuteur avec stupéfaction et à cet instant, il reçut mes messages télépathiques désespérés. « Je sais que pour le moment c’est difficile d’accepter votre nouvelle anatomie mais le corps humain a évolué au fil des 500 ans qui séparent nos dimensions temporelles. Les généticiens du Monde Parfait ont décidé de modifier l’ADN de l’espèce humaine. À présent, les humains ne possèdent plus de tractus vocal, d’articulateurs, de larynx ni de lèvres à cause de la censure des mots. Maintenant, dans leur vision, nous sommes des êtres parfaits. » J’étais émerveillé par l’expérience que je vivais mais aussi par la perspective de l’humanité. J’essayais de comprendre les ressorts qui avaient généré ces changements tragiques et je ne trouvais aucune explication plausible.
Le vieil homme m’adressa la parole en disant : « Regardez autour de vous, jeune Filippo ! Nous sommes dans une ancienne catacombe de Londres. Ici, nous avons réussi à cacher les dernières reliques de votre dimension, le Monde Imparfait. » Je regardai autour de moi et je remarquai plusieurs étagères avec des récipients en verre, ressemblant à des bocaux. Dans chacun se trouvaient des pages de livres jaunies. Sur certaines, l’écriture était presque illisible, d’autres étaient parfaitement conservées, certaines avaient des bords brûlés. De l’autre côté, se trouvaient plusieurs sphères d’un matériau semblable à de la gélatine qui n’existait pas dans notre dimension temporelle. À l’intérieur, je reconnus des clés USB et des dispositifs pour stocker des livres numériques.
« Filippo, je vois beaucoup d’étonnement sur votre visage. Vous ne comprenez rien à ce qui se passe dans mon monde. Eh bien, voici les derniers trésors qui sont des mots écrits et parlés. Malheureusement, la plupart des Parfaits n’ont pas accès aux mots car cela signifierait leur destruction et leur perte à jamais. Si nous les perdions aussi, cela voudrait dire qu’en même temps, nous perdrions le dernier espoir de retrouver notre humanité.
– Comment cette situation s’est-elle produite ? »
En me regardant avec amertume, le vieil homme me dit : « L’ignorance… elle est la source de tous les maux. Cela vous semble-t-il familier ? Les hommes lisaient de moins en moins, les livres imprimés avaient commencé à être oubliés et finirent finalement par être détruits par leurs ennemis naturels : l’humidité, la moisissure et la lumière. Les livres numériques avaient presque complètement disparu lors de la création du virus Fahrenheit 451. Le nom du virus est ironique, n’est-ce pas ? C’est exactement la température à laquelle le papier brûle. Les créateurs du virus, qui sont également les créateurs du Monde Parfait, n’ont pas seulement détruit des livres et des mots, ils ont détruit notre identité, notre pensée, notre histoire, ils ont détruit notre essence, notre humanité. Maintenant, nous voulons la récupérer !
– Mais comment puis-je vous aider ?
– Mon cher Filippo, votre mission n’est pas facile du tout. Vous devez rassembler autant de manuscrits d’auteurs contemporains que vous le pouvez. Pas encore publiés, ils ne peuvent pas être attaqués et détruits par le virus. Vous êtes responsable de sauver l’essence de l’humanité !
– Mais je serai considéré comme un escroc, et je serai condamné pour cet acte !
– Nous savons que cela va arriver, mais c’est malheureusement la seule solution qui peut nous sortir de ce nouveau Moyen Âge. Nous sommes maintenant une société technologiquement avancée, mais tellement rudimentaire en termes de pensée. Nous ne nous posons plus de questions sur l’humain. Nous ne savons plus comment exprimer nos joies, nos peines, nos frustrations. Nous ne sommes que des robots avec un substrat organique. Sauvez-nous ! »
Les yeux figés de tristesse, le vieil homme s’éloigna de moi et soudain l’espace autour de moi s’élargit : je me sentis pris au piège dans un tourbillon d’air. J’ouvris les yeux et je vis les néo-druides rassemblés autour de moi. L’aîné me parla : « Filippo, tu as compris le message. Maintenant tu n’as plus qu’à croire en ce que tu as à faire ! »
… Et tout cette plaidoirie doit être exposée devant des personnes au regard inquisiteur qui ne veulent écouter que des arguments rationnels, qui peuvent avoir une explication plausible. Comment puis-je les convaincre que tout ce que j’avais fait fut de sauver notre futur ? Comment puis-je leur dire que tous ces manuscrits étaient déjà à une distance de 500 ans dans le futur, soigneusement conservés par le seul Parfait qui aspirait à devenir un Imparfait ? Après le procès, serai-je déclaré fou et interné ? Comment puis-je convaincre ceux qui sont devant moi que l’humanité a été sauvée par un acte illégal ? Tous les yeux sont sur moi.
Le cœur lourd mais avec détermination dans la voix, je dis : « Je suis Filippo B. et je plaide coupable sur tous les chefs d’accusation. »
Maria Cringasu, 3C
Prix « Espoir 2022 »
Le mystère du village Rochefour-chat
“Aujourd’hui, il y a encore beaucoup d’événements pour lesquels nous n’avons pas pu trouver d’explication. La science s’est bien développée pendant des années, ce qui fait qu’il est plus facile de comprendre l’origine de certains événements surnaturels.”
J’ai arrêté de parler et j’ai regardé les enfants qui étaient assis sur leurs tables et qui faisaient tout sauf m’écouter. Les bavardages et les bruits inutiles me tapaient sur les nerfs.
“Les quatrièmes ! Vous m’écoutez ou je parle au mur ? Je suis en train de vous expliquer quelque chose d’intéressant ! Préféreriez-vous faire des exercices au lieu d’entendre une vraie histoire ?”
Parfois, je pense que j’ai passé la moitié de ma vie à essayer d’enseigner à des adolescents stupides. Je suis un homme seul qui vit avec son vieux chat et qui a 42 ans. Je déteste ma vie, mais je ne peux jamais exprimer cette pensée.
La plupart du temps, ils ne m’écoutent pas. Quand je raconte des histoires vécues pour attirer leur attention, quelques personnes écoutent, mais à part ça, tout le monde s’intéresse à autre chose. Pour eux, je suis un professeur d’histoire ennuyeux.
Mais je ne peux rien faire. C’est la vie. Je dois continuer à raconter mon histoire.
“L’histoire d’hier à aujourd’hui s’est déroulée dans un progrès continu. Cependant, au cours de ce mouvement, certains événements ont pris place sur les étagères poussiéreuses sans être révélés. Bien que les années aient passé, il y a des événements qui gardent leurs secrets historiques. Certains de ces événements sont encore en cours de clarification. Et l’un d’eux est l’histoire du village Rochefour-chat.”
J’ai pris une gorgée de mon café au lait. Puis j’ai continué à expliquer ce truc que j’ai déjà expliqué des dizaines de fois aux enfants.
“Cet événement historique a eu lieu au vingtième siècle et tout à coup plus de 300 personnes ont commencé à se comporter étrangement dans la ville.”
Tout à coup, un enfant de la classe m’a interrompu pour poser une question. Je suis devenu de bonne humeur. Poser des questions montrait que mon histoire avait finalement intéressé quelqu’un.
“Je te donne la parole Arthur.”
“Je peux aller aux toilettes ?”
La classe entière a commencé à rigoler. J’ai senti mon cœur se briser. Ne pas être écouté me rendait triste. J’ai soupiré.
“Vas- y Arthur.”
Mais la goutte qui a fait déborder le vase pour moi a été ce jeune garçon courant dehors comme s’il voulait éviter le cours.
Je me suis levé et j’ai hurlé sur les quatrièmes.
“Mais je n’arrive pas à comprendre comment ça se fait que vous n’ayez pas du tout de respect pour moi ! Je suis votre professeur d’histoire, j’essaie de vous comprendre parce que vous êtes des jeunes adolescents et caetera, et caetera, mais franchement si j’entends le moindre de bruit, je vais vous donner à tous 3 heures de colle!”
Il y eut un silence soudain. Personne ne voulait 3 heures de colle. Donc finalement, j’ai pu continuer à raconter mon histoire.
“Alors on en était resté où ? Ah oui, on disait que plus de 300 personnes dans le village ont commencé à se comporter de façon très étrange. Beaucoup de gens ont perdu la raison et ont eu des hallucinations.”
Michelle, une élève de la classe, a levé la main.
“Oui Michelle, tu peux aller aux toilettes.”
“Monsieur, cette fois-ci c’était une vraie question.”
J’étais carrément choqué ! En tant que professeur, c’était un honneur d’être écouté par les 4èmes C. J’ai directement donné la parole à Michèle.
“Mais comment ça se fait que tout le village a commencé à avoir des hallucinations en même temps ?” Je souriais. Les élèves commençaient à s’intéresser à mon cours.
“Ne t’inquiète pas, je vais tout expliquer.”
Puis j’ai continué à raconter.
“Connu comme un petit village de la région de Grad en France, Rochefour-Chat était un quartier résidentiel calme et tranquille où les gens venaient souvent passer leur retraite. La vie de ce village paisible a soudainement changé lorsque les calendriers ont montré le 16 août 1951, car des centaines de personnes vivant dans cette ville ont commencé à manifester des comportements étranges du jour au lendemain. La plupart des gens ont perdu la raison, ont vu des choses qui n’existaient pas, et le plus effrayant, c’est qu’ils sont tous devenus fous en même temps.”
J’ai commencé à entendre des “Quoi ?” et des “Comment ça se fait ?” Finalement, j’avais réussi à faire aimer l’histoire aux quatrièmes. Même François, le clown de la classe, m’écoutait attentivement. Toute la classe attendait la fin de l’histoire.
“Le matin du 16 août, les habitants du village se sont réveillés pour une journée complètement différente. Dans ce petit village où presque tout le monde se connaissait, tout le monde a commencé à s’attaquer. La partie la plus intéressante de cet événement était que les gens prétendaient voir des choses qui n’existaient pas, les villageois disaient avoir vu des dragons et des serpents qui les attaquaient. Les personnes atteintes de la maladie se plaignaient également de nausées, de vomissements, de frissons et de fièvre. Le 16 août, les cabinets des deux médecins de la ville sont remplis de plaintes similaires.
Les médecins se rendent compte que la plupart des patients présentent des symptômes similaires. En fait, ils réalisent qu’il s’agit d’une intoxication alimentaire, mais la situation empire dans les heures qui suivent. Un homme qui se prenait pour un avion meurt en sautant d’une fenêtre du deuxième étage.
À l’autre bout de la ville, Charles, 11 ans, fuit sa maison pour étrangler sa grand-mère, l’ouvrier Gabriel affirme qu’il est mort, que la tête de son colocataire est en cuivre et que des serpents ont mangé son estomac.
Un enfant m’a interrompu : “Waou, je me demande comment va se terminer cette histoire.”
J’ai rapidement continué l’histoire pour satisfaire sa curiosité.
“Le fait que de nombreuses personnes dans la ville aient perdu leur santé mentale et aient montré des symptômes physiques similaires nous a fait penser que l’incident était épidémique et une enquête a été ouverte. Des médecins spécialistes ont commencé à étudier l’épidémiologie de la maladie. Le 19 août, ils ont conclu que le pain était le coupable.”
Les élèves étaient très surpris. Ils me regardaient avec de grands yeux. Ils ne s’attendaient pas à une chose pareille.
“Le pain ? ”
À ce moment-là, j’ai réalisé que je ne les détestais pas autant que ça. J’aimais leur expliquer. Peut-être que ma vie n’était pas aussi mauvaise que je le pensais.
Ce sont les voix dans la classe qui m’ont séparé de mes pensées.
“Monsieur, continuez s’il vous plaît !”
“Bien sûr. Tous les patients interrogés avaient acheté du pain à la célèbre boulangerie de Rochefour-Chat. Roch Bryant, le boulanger du village, était le responsable des événements qui ont longtemps rendu la ville folle et ont entraîné la mort de 7 personnes. Après des recherches, on a mis en évidence un champignon végétal nommé Ergot qui contenait des produits chimiques qui se sont retrouvés mélangés au pain des villageois.
Après cet événement, différentes théories ont été avancées. La plupart des gens ne pensaient pas qu’autant de graines de champignons pouvaient être ajoutées à du pain. Alors ils pensaient que c’était une expérience faite par la CIA, parce que la CIA a alors fait différentes expériences sur 300 personnes qui étaient malades.”
“Mais c’est incroyable !” a dit une jeune fille.
“Merci de m’avoir écouté les enfants.” J’ai entendu la sonnerie et j’ai commencé à rassembler mes affaires. Finalement, j’étais content d’avoir pu expliquer des choses que j’aime. Donc en fait, je ne suis pas un prof d’histoire ennuyeux. J’ai juste voulu que l’on me respecte.
Histoire basée sur le fait divers “le pain maudit.”
Delphine Boulanger, 4C
Prix « Coup de cœur du jury »
Ex-æquo

Par un paisible soir d’hiver
Sans cligner des yeux, d’une seule balle, il a mis fin à ses jours et de ses lèvres sèches est sortie une seule phrase : « je veux juste te libérer, mon amour. »
C’était un jour comme un autre, un soir tout à fait normal de décembre, le 8 décembre 2016 précisément. Il n’y a pas très longtemps, dans l’un des quartiers résidentiels de Londres, une famille dînait. Caroline 39 ans, mère, son mari Benjamin et leurs 3 enfants. Anna, l’aînée de 14 ans, Géorgie le cadet de 9 ans puis le tout dernier Gustave, âgé de 6 ans à peine. Une famille tout à fait ordinaire, bien connue des voisins qui se souviendront toujours de leur amabilité. Mais ce paisible soir s’achèvera par le plus horrible des meurtres jamais advenus.
Edgar, un homme étrange mais charismatique comme en témoignent les voisins, attendait devant la maison des Wellington. Il attendait que les lumières s’éteignent avant de sonner. Il aime le noir, il aime se sentir comme un monstre dans le noir. Il n’a jamais regardé sous son lit pour chasser les monstres quand il était petit, non ! Lui, il aimait les monstres ; il les adulait. Depuis tout petit, il avait un intérêt pour les choses et les personnes singulières, comme les tueurs en série. Leur psychologie, leurs actions, tout l’intéressait. Il n’a jamais senti qu’il était étrange à son tour, ou qu’il était peut-être un psychopathe, non. Il estimait seulement qu’il était très intelligent, plus intelligent que la moyenne et ce n’était pas faux.
C’est ainsi que tout a commencé. A ses yeux, il n’était qu’un savant comme les autres. Il voulait tout savoir sur la mort ; il voulait voir la mort, l’effleurer, la sentir. Il a décidé que le moyen le plus facile pour le faire était d’analyser les cadavres. Nul ne sait comment il a réussi à obtenir un emploi de médecine légiste. Ce n’était pas très dur pour lui, un jeune homme diplômé d’une université prestigieuse. Peut-être même que son diplôme n’était qu’un faux. Il a occupé ce poste pendant quelques mois mais sa curiosité ne s’en trouvait pas satisfaite. Il devait faire plus. Les personnes tuées, leurs corps immobiles, leur peau froide, tout sur la mort l’attirait. Mais il voulait plus, beaucoup plus : il voulait voir le crime. Ce n’était pas lui, le problème. C’était les autres. Après tout, tout le monde mourra un jour ou l’autre. Pourquoi le meurtre est-il donc un grand problème ? Même s’il ne voulait pas tuer à l’instant, il ne serait pas si dépité si quelqu’un l’achevait. Il éprouverait même de la reconnaissance envers son assassin car son envie de voir la suite le travaillait. Mais il ne pouvait pas se tuer, non. Impossible. Il voulait encore voir, découvrir. Cette envie de découvrir, d’enfreindre la vie personnelle des autres, le poussa à observer les gens. Pendant des journées entières, il cherchait quelqu’un qui l’intéresserait et c’était là, dans une épicerie, qu’il avait vu sa victime pour la première fois, une femme splendide accompagnée par un petit garçon. Elle était si délicate, si douce qu’il ne pouvait la quitter des yeux. Il s’est décidé à s’approcher d’elle : une petite conversation ne ferait de mal à personne. Elle était très plaisante, facile d’abord, chose normale. Il n’était pas très beau mais très charismatique. Son sourire désarmait les esprits les plus méfiants. Elle lui dit qu’elle était divorcée et que le petit garçon était son unique enfant. Mais elle ne se doutait pas qu’Edgar était un très bon manipulateur et un détecteur de mensonges. Il savait bien qu’elle lui avait menti mais c’était le coup de foudre. Ils étaient faits pour être ensemble, ils le devaient.
Il a donc commencé à la suivre partout. Où qu’elle aille, lui aussi y était. Il devait être très prudent pour ne pas se faire attraper. Il avait tout appris sur elle, elle s’appelait Caroline Wellington mariée à un homme riche, Benjamin, et avait trois enfants. Même si elle essayait de le dissimuler, on pouvait voir qu’elle était une très bonne actrice. Elle semblait être heureuse et tout le monde pouvait la croire mais pas Edgar, non pas lui. Il pouvait lire, dans ses yeux, la misère. Il pouvait voir qu’elle ne voulait être ni épouse ni mère, elle était jeune, d’une beauté inimaginable mais elle n’avait pas assez de temps pour prendre soin d’elle-même. Elle attendait désespérément que son prince la sauve. Il était prêt à le faire et il devait concevoir un plan infaillible. Il n’avait pas le droit à l’erreur. Il a donc suivi ses enfants et son époux pendant des semaines. Il connaissait parfaitement leur routine quotidienne. Chaque jour, son mari accompagnait les enfants à l’école puis se rendait à son bureau où il travaillait jusqu’à 19 heures, l’heure du dîner. C’était si monotone, si lassant : il pouvait très bien la comprendre. Qui voudrait mener une telle vie ?
Le 8 décembre 2016, c’était le jour où tout allait changer pour Caroline, son amour. Il pouvait enfin la libérer…
Defne Kazaz, 3B
Prix « Coup de cœur du jury »
Ex-æquo
Une soirée tragique
Il était bientôt minuit et avec mes coéquipiers, nous célébrions notre victoire au match de Handball qui avait pris fin cet après-midi glacial de février. Malgré les conditions météorologiques qui n’avaient pas vraiment été en notre faveur nous avions su braver la tempête et rentrer victorieux. Pour fêter l’occasion, nous avions décidé d’aller dans un bar près du lac de Chalain et y passer la soirée à chanter et à danser. En revanche nous faisions attention à ne pas boire d’alcool car il fallait bien finir par rentrer à l’internat où nous logions.
Quand tout le monde commença à s’assoupir, nous décidâmes de mettre un terme à la soirée et nous nous séparâmes en petits groupes pour rentrer. Je me mis avec Julie, Lucas, Julien et Sophie qui était une des seules à avoir son permis de conduire. Tandis qu’elle allait chercher sa voiture garée un peu plus loin par faute de places libres, nous sortîmes dehors afin de l’attendre. Il neigeait encore et il faisait un froid de canard. Je remarquai également que le sol était très glissant à cause du verglas. Nous montâmes dans la voiture et je me plaçai au milieu à l’arrière. Contrairement à mes amis, je ne mis pas ma ceinture, ce qui n’était pas très prudent de ma part, mais c’est ce qui allait inconsciemment me sauver la vie. Le convoi s’élança alors et nous commençâmes à discuter à propos de nos vacances de ski à venir. Nous étions tous très enthousiastes à l’idée de dévaler des pentes.
À mi-chemin, tout d’un coup, la voiture se mit à déraper et je vis Sophie perdre le contrôle du volant. Des cris et des jurons retentirent dans la voiture tandis que celle-ci sortait de la chaussée et se précipitait dans le lac à une dizaine de mètres plus bas. Un ébranlement incroyable se fit ressentir quand la voiture rentra en collision avec l’eau et ma tête se cogna au plafond. Je faillis perdre connaissance. L’eau glaciale du lac s’engouffra dans la voiture à une vitesse hallucinante et je dus faire un ultime effort pour tenter d’ouvrir la portière, mais celle-ci résista. J’étais horrifié, je bus la tasse une multitude de fois jusqu’à finalement parvenir à enfoncer la porte à l’aide de tout mon poids. Je pris alors une grande bouffée d’air de ce qui était encore disponible dans la voiture et je me propulsai au dehors. Je peinais à ouvrir les yeux car le froid les brûlait. Je tentai alors de m’extirper à la surface à l’aveuglette. J’étais à court d’oxygène et j’avais terriblement peur de ne pas y arriver. Quel ne fut mon soulagement quand je parvins finalement à atteindre l’air pur. À l’instant où j’émergeai, essoufflé, les yeux mi-clos, j’entendis les cris de nos autres camarades rassurés, mais notre soulagement fut de courte durée car je remarquais que mes amis ne m’avaient pas suivi, du moins c’est ce que je pensais…
Je me réveillai quelques jours plus tard après un long coma, à l’hôpital, dans un lit médicalisé. La salle était toute blanche, elle comportait une porte et une fenêtre par laquelle je pus apercevoir qu’il devait être dans les alentours de six heures du matin. Ma mère était assise à côté de moi, elle ronflait. Je voulus la réveiller mais mes membres, encore engourdis, m’en empêchèrent. J’essayai alors de faire sortir un petit son à l’aide de ma bouche qui était malheureusement, elle aussi, paralysée, et je fus heureux de voir ma mère relever sa tête, ouvrir ses paupières et venir me serrer dans ses bras. C’est à ce moment qu’elle m’apprit la nouvelle. Mes amis n’avaient pas eu la même chance que moi…
Nouvelle inspirée d’une histoire vraie survenue le mercredi 19 janvier 2022 dans le lac de Chalain, Jura – France.
Reha Draman, 3C